VOILE: Vendée Globe. Le point du PC en ce mardi matin.

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La fable de la grenouille

Peut-on s’habituer à tout ? Cette nuit, c’est une petite leçon de philosophie que nous font parvenir les marins du Vendée Globe, toujours lancés à des vitesses à la limite du supportable pour s’accrocher à la locomotive dépressionnaire qui les catapulte vers le Sud. Les premiers auront encore au moins 48 heures pour disserter !

Êtes-vous familiers de l’expérience de la grenouille bouillie ? Née dans le cerveau probablement légèrement délirant d’un physiologiste allemand en 1869, cette manipulation concluait qu’une grenouille, plongée dans une eau froide qu’on venait réchauffer progressivement, finissait ébouillantée sans même essayer de s’échapper, victime au final de son immense capacité d’adaptation…

La résilience nous jouerait-elle ce mauvais tour d’endormir nos signaux d’alerte ? C’est en tous cas ce qu’on est en droit de se demander en entendant cette nuit la voix chahutée de Yoann Richomme à bord de PAPREC ARKÉA, qui semble défier bien des lois universelles et s’interroge aussi sur le caractère raisonnable ou non de cette entreprise collective menée, portant battant, par la dizaine de marins en tête de flotte :


Là c’est vraiment une course de vitesse, la mer n’est pas trop défoncée mais le bateau il saute quand même dans tous les sens, ça va très vite, c’est hyper désagréable ! Je n’aime pas trop ce groupe qui bombarde n’importe comment, j’en fais partie hein mais je trouve qu’on ne va pas pouvoir durer comme ça deux mois !

Nos marins de la tête de flotte se seraient-ils mus en grenouilles dans leur cockpit, bondissant de vague en vague à plus de 21 nœuds de moyenne sur 24 heures – 23 même dans la nuit pour le leader Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) ? A cette vitesse-là, on vous l’assure, la bave du crapaud atteint toutes les blanches colombes !

Le problème, c’est que ce cher Friedrich Goltz – appelons un physiologiste allemand un physiologiste allemand – avait omis de préciser que la grenouille qui s’était laissée cuire avait préalablement été décérébrée par ses soins. Et les zoologistes qui ont, depuis, essayé de reproduire l’expérimentation ont été formels : « Si on met une grenouille dans de l’eau froide, elle s’échappera avant qu’elle n’ait chaud — les grenouilles ne restent pas assises tranquillement pour vous. »